L’éclairage change. J’enchaîne les verres. Le mot exact, c’est le blues. L’idée d’une
immense tristesse béante, d’un siphon exponentiel tourbillonnant au ralenti.
Dé-corporation dans le pulsar psychédélique, je suis ici et ailleurs. Dans un
coin derrière des têtes, je vois ISSUE
DE SECOURS. Je ne contrôle rien.
Tu as conscience que tu ne tires pas les
ficelles de ce qui t’arrive, de ce que tu dis, de ce que tu réponds. Tu sais
que tu es entraîné dans un truc que tu ne gères pas du tout. Je bois comme un
automate. Fume comme un robot. Syncope.
Tu regardes, regardes autour de toi. L’obscurité c’est le pli du miroir dans
lequel tu te regardes jouer ton rôle immuable, gravé, que tu joueras à l’infini si tu continues comme ça. J’entends des voix.
Les blouses blanches matérialisées
en algorithmes verts s’entortillent sur la barre à lap-dance. Ecoute-nous, tu es ici comme un
hologramme programmé, un programme réglé comme du papier à musique, une
programmation blues en HD dans laquelle tu ….. héros. Tu … dan …ogiciel ….rapie
portemen….tuell….Tu ……ends ? …u nou…….tends ? Il faut que tu tiennes en… un peu….inquiète
pas, on est… àà…
un
larsen strident
et
le bruit
blanc
Veuillez nous excuser pour
cette interruption de la diffusion.
Je me suis dit : le vernis craque.
Induction musicale. J’allume la dernière cigarette du paquet. J’ai déjà vécu cette
situation. Je ne connais pas le nom du bar. Je n’arrive pas à m’en souvenir. Le
vide. Je ne connais personne. Ce n’est jamais la même serveuse qui vient à ma
table. Seul à ma table.
Dans le bar. A écouter du blues. La musique seule
me raccroche à un monde familier. Le reste est hostile. Potentiellement
hostile.
Je suis
fait comme un rat.
Je sentais bien depuis le début que quelque
chose m’échappait.
Comme un hamster dans sa roue.
Le sujet n’aura aucun souvenir
précis de ce qu’il aura vécu dans le logiciel. Tout comme avec les
antidépresseurs et les benzodiazépines classiques, sa mémoire sera
reconfigurée, tout souvenir traumatisant en sera rayé. L’avantage de la
méthode, c’est qu’il n’y a justement plus aucun traitement médicamenteux. Tout
repose sur autre chose. On fait revivre pour faire comprendre.
(…)
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