Et
un jour, ça recommence.
Tu te dis que tu te sens étouffer. Crever. Mordre la poussière.
Le réel
comme une corde autour du cou. Je m’applique pourtant à ne penser à rien. A rester
vide. Dans le vide. Tu fermes ta porte chaque matin en vérifiant quinze fois. Je
me filme pour être certain que j’ai bien fermé. Vous avez l’impression de sentir quelqu’un derrière
vous. Ils m’ont eu. Grignoté peu à peu. Résigné. Je
n’ai pas mis de musique ce soir en rentrant. Je n’ai pas allumé. Un silence chimique règne dans la pièce. Le réel se
fracture. Repeat after me : you are infected.
Je vais tenter d’être clair.
Les périodes d’instabilité débutent toujours de la même façon. Un matin
tu te lèves avec les nerfs à vifs. La colère. Haute pression dans les
souterrains pavots. Pour votre santé,
pratiquez une activité physique régulière. L’impression de tourner en rond. De ne rien faire de mes journées, ni de
mes soirées. De ne pas savoir quoi faire la tempête passée assis seul dans mon
canapé d’angle. Le vide. Scotché devant les images de la télé en mode wannabe. Mangez cinq fruits et légumes.
L’illusion dans laquelle tu vis ne te berne même pas. Comprendre la date de
péremption. Nous
interrompons le cours de vos programmes pour faire place à l’actualité en
direct. Effacer les numéros à la meuleuse. Retaper le code
moteur. Je viens de loin d’aussi loin que je peux m’en souvenir. Tu ne m’en voudras pas
si dans cette vie, cette dimension, je me fatigue vite.
Je vais tenter d’être clair : je n’ai le temps de rien, je suis un corps à disposition. L’impossibilité d’un break. Quand
ils te tiennent, ils ne te lâchent plus. Je n’ai le temps de rien. Je suis un corps à disposition fondu dans la masse. Un terminal lambda sous pression.
Ecran brouillé. Tu te
dévisages dans le miroir ; tu te dis, je subis. Je me dis que j’agonise lentement. Ça recommence. Le
quotidien m’écrase. Je ne sais pas si j’ai fait le bon choix. Je fais semblant.
Je me sens nerveux. Je ne me sors pas de ça.
Je dors moins. Je mange moins. Je m’embrouille. Je n’arrive
pas à me déconnecter. La
banque m’envoie le même texto depuis hier : « Vous avez dépassé votre
seuil de découvert autorisé. Appelez votre agence dans les plus brefs délais.»
Des
nanodrones me suivent, des caméras me tracent en permanence. Ma vie ressemble à
celle des autres. Je ne suis pas une légende. A un moment donné, moi aussi j’ai
voulu un beau canapé d'angle et un frigo connecté. Remise à partir de 5 et jusqu’à 62%. Je suis la norme. A un moment
donné, je me suis mis en veille passive. Je ne suis pas une légende. Je ne sais
plus trop quand. Hypnotisé. Complètement abruti. Normal. J’ai laissé mon
cerveau devenir un terminal. Je me suis fait bouloter de l’intérieur. Ma vie
ressemble tellement à celle des autres. La contamination est générale. Demandez conseil à votre pharmacien.
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