J’ai encore un peu de temps ?
Je m’écœurais. Je me dégoûtais de plus en plus. Félicitations, vous êtes dans la norme. Je ne dormais plus. Je
voyais des yeux m’épier. Des bruits dans les angles morts. Je ne voyais plus
d’échappatoire à cette vie prédécoupée. Cette vie grégaire que je ne m’étais
jamais vu vivre.
Le Psy me
regarde derrière son burlingue.
Alors ça
s’est passé comme ça. En roue libre. Impossible de stopper quoique ce soit.
Mantra en boucle. Dans ces moments-là, je pense, je me répète, c’est plus fort que
moi comme je vous ai déjà dit, c’est comme une obsession, je me répète que je
n’ai pas fait le bon choix. Que je sais depuis toujours que je n’ai pas fait le
bon choix. Et que je n’ai le temps de rien. Que je suis comme les autres. Les autres que j'abhorre. Je me répète que je n’ai pas fait le bon choix. Que j’ai toujours
pensé que je n’avais pas fait le bon choix. Que je n’ai le temps de
rien. Que je
ne maîtrise rien. Que je suis une donnée prévisible. Vos possibilités de crédits sont élargies.
Le temps s’est ainsi étiré comme dans l’attente sur le trottoir d’un nouveau
produit – un colis que tu aimerais bien recevoir avant ce week-end. Je ne
contrôlais plus rien. Si vous avez des
questions, on va discuter tranquillement entre nous Je savais pourtant au
fond que ça ne pouvait pas durer.
Je vais tenter d’être clair.
Un jour, quelqu’un
a éteint le vent.
La mobilisation est
générale. Une
accumulation. Un écran flou. Les autres sont devenus des points noirs dans un
brouillard rouge, ils l’étaient déjà en fait mais ça s’est empiré d’un coup. Eviter tout contact avec les
yeux.
Où sont mes putains de clés ? J’en pouvais plus. Votre colis est arrivé au point
relais. J’ai pété un plomb. Ça devait arriver.
Il existe dans votre
entourage des personnes toxiques. Je crois que Jean-Luc a cristallisé toutes mes rancœurs.
Toute mon amertume. Au mauvais endroit au mauvais moment. Il avait
été la gâchette. Nous gardons l’antenne.
Il était
furax à propos d’un obscur dossier. Et me le faisait savoir. Et je sais pas. Une seconde suffit pour qu’un objet du quotidien devienne
dangereux. J’ai craqué. Je me suis levé et je lui ai collé une
droite. Et une deuxième. Il est tombé. Je lui ai sauté dessus. Pour
l’étrangler. Pour en finir.
« Oui. Votre cas est classique. Ne
paniquez pas. Débranchez et confiez-moi tout ça, Tout va se remettre en place.
Oui, si vous voulez, une petite rechute mais vous êtes entre de bonnes mains.
Bon, pour commencer : vous me prenez de l’Atarax, de l’Alprazolam, du Lithium –
l’attention est attirée pour les
conducteurs de véhicules lourds, légers, deux roues motorisés ou non, sur le
risque d’une possible somnolence – du Norset, du Stilnox et du Zopiclone et
pour une durée de trois mois. Oui, ça semble beaucoup mais ne vous inquiétez
pas. Ça peut être plus court. On ne sait pas. Des choses vous ont sérieusement
affectées, ces médicaments vont vous aider. De toute façon, vous êtes inscrit
pour suivre le programme 687, ce qui signifie un rendez-vous hebdomadaire
jusqu’à disparition totale des troubles. On a un maximum d’un an. Si, au bout
d’un an, rien n’a changé, je ne vous fais pas de dessin, vous savez ce qu’il se
passera… »
(…)
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