samedi 1 juillet 2017

Matrix City Blues (6.2)




Toxique blues. Irrépressible. Je t’imagine. Je te bois. Je te vois. Ton ersatz est en face de moi. Tu as chaud. Tu viens de danser. Tu veux un verre ? Tous les soirs, tu m’as tout dit. Tout et son contraire. Pleins de trucs, des étoiles et du strass sur la lune. Tu  bossais là. Serveuse. Et danseuse aussi. Ça me suffisait. Ça palpitait. Moi je crois qu’ici, j’avais mes habitudes.
Toxique blues. Repeat dans la fumée électrique. Je t’écris sur les cordes des pulsars autonomes. Parce que je ne veux pas oublier. Et que tu tomberas peut-être dessus un jour. Je ressasse. Figé. Dans mon circuit fermé. En loop. Enfermé dans le garage avec la voiture en marche. Intoxiqué au blues monoxyde. Enfermé dans un track dont je ne sors pas.
Ce mec que je verrai au comptoir me dira un truc dans le style : « T’es pas le seul. Regarde autour. Vous partagez tous le même putain de rêve disparu.» 

Chute libre en blues mineur.
Je suis une image qui recycle les programmes du siècle dernier. Tu me manques et je verse dans la larme facile, le sample de sirène mal réglé.
Je suis la persistance de l'explosion, le blues sans le réseau, seul à ma table, comme un vieux cliché, comme un fragment collé entre les paupières, derrière tes paupières, c'est là que je voudrais être. Je me sens flotter. Flotter dans le harem de tes larmes. Désincarné. Scarifié suprême. Amaigri par toutes ces nuits suspendues par un fil tendu dans une aiguille transperçant ma chair. Toutes ces nuits de blues. Sans toi. Mon shoot sans retour. Je suis un satellite qui tourne dans l’espace pour l’éternité et toi, une donnée perdue. Tu es la nuit autour de moi.
Je suis un programme qui recycle des images passées. Tu es le bar. Tu es le blues ténébreux. L’entité fantomatique de la nuit. Nimbe alcoolique ondulant. Nimbus camaïeu pollué. Tu es les lumières. La parasélène sur mon verre. La fumée. Les ombres en silhouettes qui dansent au fond des rêves passés. Le glaçon délaissé au fond de mon verre vide. Tu es tout et tu es là, avec moi. En face de moi. Tu souris. Dans ce bar, avec cette musique. En face de moi. Avec tous ces gens autour. Et cette fumée impossible.
On est là, c’est la X-ième fois qu’on se parle dans ce rade de tous les possibles. Et tu m’as fait ce soir-là en te levant :
« J’ai un truc à faire ce soir, je peux pas rester. On se voit demain soir ? »
Un larsen déchire l’instant.

Tu as disparue. Les données perdues ne se retrouvent plus.
Je ne pense qu’à toi ici.
T O I
dans une autre vie.

Une fois dans le programme, le patient ne saura pas qu’il est dans une réalité alternative sinon l’expérience ne marcherait pas.

(…)