lundi 30 avril 2018

Love Hotel [1]



1.
Je smoke night & day. Je ne vape plus. Je combure. A fond. J’allume un blunt. Hier j’ai acheté des feuilles de cigare au goût de champagne, non, je voulais champagne ou kush mais comme ils avaient très peu de choix, j’ai pris fraise-kiwi. Le ciel n’est pas bleu à travers la fenêtre. Ce n’est peut-être pas le début de l’été. C’est la nuit. Il n’est pas minuit trente-deux. Je ne bois pas encore une seize.

fenêtre ouverte
fumant sur le canapé
dans le salon bleu

« Tu peux prendre un selfie et me l’envoyer ? »
Ça faisait quelques minutes qu’on se parlait. Et ça s’emballait déjà apparemment. D’un coup, tout s’accélérait et prenait une tournure intéressante. Il n’y avait plus d’hésitations. C’était parti.
Direction le frigo.
2.
Crois-tu qu’on puisse réellement boursicoter sur les nouvelles voies maritimes suite à la fonte du Pôle Nord ?
Ce monde est en arrêt sur image, des rangées de bébés-éprouvette mort-nés. Aucune manière d’y échapper. Tu peux cloner ton chien pour 100 000 $ en Corée du Sud. Demain tu pourras cloner le monde. Ta femme. Tes enfants. Ta star préférée. Regarde-moi, regarde-toi, nous sommes les rouages du Big Data.
Hibakushi. Sâdhu Ganja en mode Hobbo. J’écris ce que je vois parce que je ne le verrai qu’une fois. Les brisures constantes, les cassures classiques in-vitro, asphyxié sous blister, date de péremption, pris à la gorge par les traites, les traités, les contrats, les contrats qui sifflent sur ta tête, les crédits revolving qui desquament la peau de tes enfants, les leasings, les courses quotidiennes de provisions toxiques à l’hypermarché qui marge comme un malade ; ce sont des mètres infinis pieds nus sur une slackline de verre pilé sans corde de survie.
Je suis là pour écrire ce qui s’efface dans le ronronnement poisseux du quotidien lambda, la vie carte postale dorée au revers dégueulasse, le petit pavillon Truman Show, l’odeur des barbecues dès qu’il y a un pauvre rayon de soleil, les digicodes, les caméras et les applis pour rester en forme, l’ennui, l’immonde bonheur, la révision de la chaudière, l’étroitesse des week-ends, le son du réveille-matin, je suis là en train de te dire que toutes ces choses, au bout d’un moment, sont trop à gérer pour le singe moyen de 7 à 77ans.
Alors un jour, tu cherches du fric facile.

(...)