lundi 12 mars 2018

Data loss [7]




J’ai encore un peu de temps ?
Je m’écœurais. Je me dégoûtais de plus en plus. Félicitations, vous êtes dans la norme. Je ne dormais plus. Je voyais des yeux m’épier. Des bruits dans les angles morts. Je ne voyais plus d’échappatoire à cette vie prédécoupée. Cette vie grégaire que je ne m’étais jamais vu vivre.
Le Psy me regarde derrière son burlingue.
Alors ça s’est passé comme ça. En roue libre. Impossible de stopper quoique ce soit. Mantra en boucle. Dans ces moments-là, je pense, je me répète, c’est plus fort que moi comme je vous ai déjà dit, c’est comme une obsession, je me répète que je n’ai pas fait le bon choix. Que je sais depuis toujours que je n’ai pas fait le bon choix. Et que je n’ai le temps de rien. Que je suis comme les autres. Les autres que j'abhorre. Je me répète que je n’ai pas fait le bon choix. Que j’ai toujours pensé que je n’avais pas fait le bon choix. Que je n’ai le temps de rien. Que je ne maîtrise rien. Que je suis une donnée prévisible. Vos possibilités de crédits sont élargies.
Le temps s’est ainsi étiré comme dans l’attente sur le trottoir d’un nouveau produit – un colis que tu aimerais bien recevoir avant ce week-end. Je ne contrôlais plus rien. Si vous avez des questions, on va discuter tranquillement entre nous Je savais pourtant au fond que ça ne pouvait pas durer.
 

Je vais tenter d’être clair.
Un jour, quelqu’un a éteint le vent. La mobilisation est générale. Une accumulation. Un écran flou. Les autres sont devenus des points noirs dans un brouillard rouge, ils l’étaient déjà en fait mais ça s’est empiré d’un coup. Eviter tout contact avec les yeux. Où sont mes putains de clés ? J’en pouvais plus. Votre colis est arrivé au point relais. J’ai pété un plomb. Ça devait arriver.
Il existe dans votre entourage des personnes toxiques. Je crois que Jean-Luc a cristallisé toutes mes rancœurs. Toute mon amertume. Au mauvais endroit au mauvais moment. Il avait été la gâchette. Nous gardons l’antenne.
Il était furax à propos d’un obscur dossier. Et me le faisait savoir. Et je sais pas. Une seconde suffit pour qu’un objet du quotidien devienne dangereux. J’ai craqué. Je me suis levé et je lui ai collé une droite. Et une deuxième. Il est tombé. Je lui ai sauté dessus. Pour l’étrangler. Pour en finir.

 « Oui. Votre cas est classique. Ne paniquez pas. Débranchez et confiez-moi tout ça, Tout va se remettre en place. Oui, si vous voulez, une petite rechute mais vous êtes entre de bonnes mains. Bon, pour commencer : vous me prenez de l’Atarax, de l’Alprazolam, du Lithium – l’attention est attirée pour les conducteurs de véhicules lourds, légers, deux roues motorisés ou non, sur le risque d’une possible somnolence – du Norset, du Stilnox et du Zopiclone et pour une durée de trois mois. Oui, ça semble beaucoup mais ne vous inquiétez pas. Ça peut être plus court. On ne sait pas. Des choses vous ont sérieusement affectées, ces médicaments vont vous aider. De toute façon, vous êtes inscrit pour suivre le programme 687, ce qui signifie un rendez-vous hebdomadaire jusqu’à disparition totale des troubles. On a un maximum d’un an. Si, au bout d’un an, rien n’a changé, je ne vous fais pas de dessin, vous savez ce qu’il se passera… »

(…)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire