dimanche 17 septembre 2017

Data loss [3]




Et un jour, ça recommence.
Tu te dis que tu te sens étouffer. Crever. Mordre la poussière. Le réel comme une corde autour du cou. Je m’applique pourtant à ne penser à rien. A rester vide. Dans le vide. Tu fermes ta porte chaque matin en vérifiant quinze fois. Je me filme pour être certain que j’ai bien fermé. Vous avez l’impression de sentir quelqu’un derrière vous. Ils m’ont eu. Grignoté peu à peu. Résigné. Je n’ai pas mis de musique ce soir en rentrant. Je n’ai pas allumé. Un silence chimique règne dans la pièce. Le réel se fracture. Repeat after me : you are infected.

Je vais tenter d’être clair.
Les périodes d’instabilité débutent toujours de la même façon. Un matin tu te lèves avec les nerfs à vifs. La colère. Haute pression dans les souterrains pavots. Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière. L’impression de tourner en rond. De ne rien faire de mes journées, ni de mes soirées. De ne pas savoir quoi faire la tempête passée assis seul dans mon canapé d’angle. Le vide. Scotché devant les images de la télé en mode wannabe. Mangez cinq fruits et légumes. L’illusion dans laquelle tu vis ne te berne même pas. Comprendre la date de péremption. Nous interrompons le cours de vos programmes pour faire place à l’actualité en direct. Effacer les numéros à la meuleuse. Retaper le code moteur. Je viens de loin d’aussi loin que je peux m’en souvenir. Tu ne m’en voudras pas si dans cette vie, cette dimension, je me fatigue vite.
Je vais tenter d’être clair : je n’ai le temps de rien, je suis un corps à disposition. L’impossibilité d’un break. Quand ils te tiennent, ils ne te lâchent plus. Je n’ai le temps de rien. Je suis un corps à disposition fondu dans la masse. Un terminal lambda sous pression.  


Ecran brouillé. Tu te dévisages dans le miroir ; tu te dis, je subis. Je me dis que j’agonise lentement. Ça recommence. Le quotidien m’écrase. Je ne sais pas si j’ai fait le bon choix. Je fais semblant. Je me sens nerveux. Je ne me sors pas de ça.
Je dors moins. Je mange moins. Je m’embrouille. Je n’arrive pas à me déconnecter. La banque m’envoie le même texto depuis hier : « Vous avez dépassé votre seuil de découvert autorisé. Appelez votre agence dans les plus brefs délais.»
Des nanodrones me suivent, des caméras me tracent en permanence. Ma vie ressemble à celle des autres. Je ne suis pas une légende. A un moment donné, moi aussi j’ai voulu un beau canapé d'angle et un frigo connecté. Remise à partir de 5 et jusqu’à 62%. Je suis la norme. A un moment donné, je me suis mis en veille passive. Je ne suis pas une légende. Je ne sais plus trop quand. Hypnotisé. Complètement abruti. Normal. J’ai laissé mon cerveau devenir un terminal. Je me suis fait bouloter de l’intérieur. Ma vie ressemble tellement à celle des autres. La contamination est générale. Demandez conseil à votre pharmacien.



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