samedi 13 mai 2017

Matrix City Blues (4.3)

(...)



« J’ai l’impression de t’avoir toujours connu.»
Je fais du sur-place. Je fais tourner les glaçons dans mon verre. Ta voix quelque part se mêle à celle du chanteur. Obsession morbide. I put a spell on you. Ce n’est plus le même bar en vérité. ‘Cause you’re mine. Le monde se solidifie en une lente torsion complexe gelant paysages, rues, respirations. Le monde, bloc mort.
Le blues alimente le blues alimente le blues alimente le blues. Sur-place. Revenant ici chaque soir. Répétant la même situation syncopée : le blues dans le bar, comme une vieille chanson enfouie au fond de toi depuis toujours, comme un truc que tu connais obscurément, comme les linéaments d’une prédisposition génétique. Le blues, ça fonctionne comme un track sur pause, un logiciel programmé dans ton disque dur. Un track prêt à faire feu. Un truc nucléique qui se déclenchera à coup sûr à un moment donné. Expérience de Milton sous RC inconnu. Le degré de fluor dans le cerveau est probablement maximal. Tes neurorécepteurs n’attendaient que ça. Ne pas utiliser sans connaissance des effets secondaires. Le blues est un track dont on ne sort pas.
J’allume une cigarette. Le blues mec, fume dans les spots bleus. Un trip dont on ne sort pas. La cérémonie n’est pas du tout sur le point de finir. J’allume une cigarette. Elle recommence sans cesse. Bruits des voix diluées en boucle.


« J’ai l’impression de t’avoir toujours connu.»
Je fais du sur-place. Je fais tourner les voix que j’entends dans mon verre. Subliminales. J’habite un temps chimique enroulé sur lui-même. Riff de blues dans le bar, noyé dans le single barrel. Just a little spoon of your precious love will satisfy my soul. Ce n’est plus le même bar en vérité. Une autre substance se répand derrière le concert. Tu sais, je vois des trucs, j’entends des voix de plus en plus. Et l’odeur. L’odeur palimpseste d’un couloir d’hôpital, l’éther dans la fumée. Réseau fou. Envie d’un plan hot en toute discrétion ce soir. N’attends plus, prends ton téléphone. C’est ça le blues. Un éclat de métal froid collé à un aimant. Je ne pense qu’à toi ici. Toi ici, toi avec moi, ici, mais dans une autre vie.
Fréquences binaurales. Tu nous entends ?
La musique déformée sort d’un scratch comme une fumée de cigarette s’élevant d’un tabouret en jarretelles. Le bar bruisse dans la gamme blues. Des cendres tombent des boules à facettes. Tout est vrai. Chuchote. Chut. Ne m’éveille pas. La basse joue deux notes. Doucement. Je veux rester dans tes bras. Ne parle pas. Chut.
J’enchaîne chaîne, chaîne les verres. Les clopes. Just a little spoon of your precious love ; is that enough for me ? Je prendrais bien un peu de dope. De la coke. Ou de la MD. N’importe quoi en fait.
Ce que je veux te dire c’est que depuis que tu as disparu, je suis en bad. Je tremble de l’intérieur. Je te cherche. Non. Je t’attends. J’imagine que tu pourrais revenir ici. Et puis en vrai je ne sais rien.
Syncope.  
Let me tell you a story. Seul à ma table. About a little girl i know. Le blues sépia when she walks into a room, cette musique que nous écoutions ensemble. C’est comme si tu étais là. You know she steals the show. Le présent confondu, flou, fuyant, glissant. Multi-changeant. She’s crazy. Ouais, je prendrais bien un peu de dope. Pour oublier évidemment. Oublier ce putain de blues, toutes ces étoiles qui transpercent mes nuits et le plafond de la boîte. Nous aurions pu. La musique déformée comme un vinyle qui repart dans un autre espace-temps.
Du blues plein le bar. Tu n’es pas là. Du blues partout. Je bois du blues. Je fume du blues. Je suis blues. Je coche homme. Age. Célibataire. Affection. Traitement. Des points que vous voudriez aborder : le blues me donne des frissons.


(...)

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